"Sat?lite 99" review
Cosmos 1999
J’aime bien les disques qui n’ont pas d’âge. Pas les vieux disques, plutôt ceux qu’on est incapable de dater à l’oreille, qui flottent au-dessus de plusieurs décennies. Les Silver Apples sortiraient leur premier album éponyme aujourd’hui que tout le monde triperait sans hésiter, sans se douter un instant que ce disque a 40 ans. Idem pour le Colossal Youth des Young Marble Giants, ou les trips tropicalistes psychés des Os Mutantes…
L’autre soir en piochant dans la pile des choses à écouter, je suis tombé sur une belle pochette dessinée aux crayons de couleurs, un visage de femme au regard insistant avalé par une nature luxuriante. Satélite 99, signé Ana D. Connais pas.
Lecture… Et plaisir qui pointe de piste en piste. La guitare est à peine effleurée, la boite à rythme n’a pas dû coûter cher. Tiens ça ressemble à du Yo La Tengo période And Then Nothing Turned Itself Inside-Out, ce petit clavier tout rond tout chaud, cette production super classe avec trois notes. Sauf que ça chante en espagnol, très bien, doucement mais franchement. Ça chuchote directement à l’oreille.
Quelques morceaux plus loin, il y a un thérémine qui vient faire le malin, des crépitements électroniques et un mélodica. On dirait de l’electro-pop mélancolique fantasmée depuis Berlin. La chanson suivante est une version en apesanteur de Me Quedo Contigo, concentré de tristesse signé Los Chunguitos.
Ana D - Me Quedo Contigo
Ça vaut décidément une recherche : Satélite 99 est sorti en 1997 et vient d’être réédité chez les toujours intéressants Elefant Records de Madrid, dans une version enrichie (des passages à la radio, des versions bis, des singles perdus…), en digipack tout beau. Ana D, elle, n’a jamais donné de suite à ce disque hors du temps, plein de bossa négligées, de chansons douces à se passer dans le bus le soir pour refermer la journée de travail.
On apprend ici (foutu bonne chronique au passage) qu’elle a traversé la Movida, qu’elle connaît Almodovár, qu’elle a été manageuse des disco-pop Alaska Y Los Pegamoides dans les années 1980. Elle a disparu comme elle est apparue, et dix ans plus tard son disque flotte toujours à quelques centimètres au-dessus du sol.
(Photo Paz Corral)
Ana D [La Blogotheque]
picture: Archivo Elefant