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19/02/2019

Rock & Folk [Fr]: Disque Du Mois



 

Lorsqu’on va manger des pâtes dans un restaurant français, il faut s’attendre à ce qu’elles soient mauvaises... D’abord parce qu’elles seront trop cuites, ensuite parce qu’elles seront réchauffées. Il en va de même pour le rock français. Téléphone : Rolling Stones réchauffés. Noir Désir : Gun Club réchauffé. Mano Negra : Clash réchauffé. Négresses Vertes : Pogues à la sauce méditerranéenne. Bérurier Noir : punk trop cuit. Taxi Girl : Stranglers anémiés. Certes, il y a bien des exceptions (Métal Urbain, Dogs, Little Bob, Coronados, Kas Product, Thugs ou, récemment, les Limiñanas qui ont su inventer quelque chose de neuf en recyclant de vieilles pièces rouillées) mais elles ne font que confirmer la règle, et la liste est longue, sans parler des idiots en pantacourts qui singèrent les Red Hot Chili Peppers dans les années 90. C’est précisément à la fin de cette décennie que la musique française s’est améliorée : lorsqu’elle a enfin compris qu’il ne servait à rien de s’obstiner à faire du mauvais rock’n’roll. Ce fut la french touch. Qu’on apprécie ou non cette nouvelle vague, peu importe... Il y avait en son sein des bons et des médiocres, inévitablement. Certains donnaient dans une musique atmosphérique (Air), d’autres dans l’électro pure et dure (Daft Punk), d’autres encore dans une pop grandiloquente et surchargée (Phoenix). Il y avait même un franc-tireur, l’inclassable Bertrand Burgalat. En cette fin de décennie, des mods venus du Sud, d’Avignon précisément, les Strawberry Smell, savaient déjà ne pas donner dans le copier-coller de leurs influences. Puis ce fut la fin de Strawberry Smell et la parenthèse Pony Taylor, plus power pop, et ensuite le projet SuperHomard, qui nous intéresse aujourd’hui. Réunissant toujours les frères Vaillant, l’un assurant la majorité des instruments, l’autres, son jumeau, la basse et la batterie, accompagnés de l’envoûtante chanteuse Julie Big. Les frères Vaillant, a priori, n’ont rien de spécial : comme beaucoup de monde, ils adorent Love, The Left Banke, et les musiques de films. C’est ce qu’ils font de ces influences magistralement conjuguées qui rend “MeadowLanePark” irrésistible. Dès le premier titre, l’instrumental “In The Park”, d’une beauté à couper le souffle, comme du John Barry nappé de cordes, la classe est affolante. Au cours de ces morceaux somptueux, on pense à Broadcast en plus lumineux, à Air en moins superficiel, à Burgalat en moins complexe, à feu Noonday Underground en plus électronique mais aussi à d’autres choses indescriptibles. Un léger psychédélisme onirique hyper construit, arrangé et orchestré (ces cordes magiques...), qui ne cesse de transporter l’auditeur sur le tapis volant de nos rêves enfantins. Ce n’est évidemment pas du rock’n’roll, et il y a longtemps que les frères Vaillant savent qu’il ne rime à rien de tenter de sonner comme les Small Faces ou ce Paul Weller qu’ils ont tant aimés dans leur adolescence. Le SuperHomard sait aussi être monstrueusement pop (“Springtime”), sans donner dans les boursouflures gonflées à l’hélium pour stade. La voix de Julia Big est le fil rouge sensuel et rêveur de cette musique ensorcelante, d’une infinie délicatesse. Un truc comme “Door After Door”, par exemple : n’est-ce pas la musique qu’on a toujours voulu entendre dans nos rêves les plus insensés ? “MeadowLanePark” a d’autres qualités : c’est les Quatre saisons de Vivaldi à lui tout seul en version pop moderne ; un album parfait pour l’automne, l’hiver, le printemps et l’été. Après quoi, on y reviendra inlassablement, en reprenant tout systématiquement avec ce “Paper Girl” féerique qu’aucun Anglo-Saxon à notre connaissance n’est actuellement capable de nous offrir. Ce n’est pas trop cuit, ce n’est pas réchauffé, c’est le SuperHomard : une merveille chic, belle, et dans laquelle il fait bon se vautrer.


Nicolas Ungemuth
   


 


 

 

 

 

 

 

 

 

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